Dans cette saison de « devoirs de vacances », avant la rentrée, il est hautement recommandé aux élèves le devoir... d'insoumission. Trois beaux livres y aident. Jacques Bellefroid est philosophe, un vrai, pour qui la pensée est d'abord une réflexion, et non un discours (de préférence décolleté et médiatique). D'un style tellement neutre qu'il en devient classique, pur et sans graisse, il nous décrit comment un enfant devient écrivain dans un pensionnat, par l'insoumission créatrice (1). On sait que les imbéciles et les professeurs se demandent régulièrement pourquoi Rimbaud cessa d'écrire; avec Bellefroid, on sait pourquoi il commença : « Si vous continuez ainsi, vous allez vous faire boucler ». L'enfermement et la mise au silence, voilà l'ennemi. Les livres de Bellefroid sont comme les vents du désert : ils rafraîchissent et permettent de voir loin. Enfin, l'intelligence de deux directeurs littéraires, Combes, chez Messidor, et Trubert, au Rocher, permet ta réédition de deux chefs-d'œuvre d'enfance, de grâce et de révolution. Les disparus de Saint-Agil (2) raconte la conspiration d'élèves, internes dans un collège de province, pour réussir à penser seuls et loin; la fable se tisse adroitement dans une toile policière qui en fait le classique du genre. Cela devrait être inscrit obligatoirement facultatif au programme. Et... Till Ulenspisgel, longtemps introuvable, ne l'est plus dans cette édition définitive, préfacée par Romain Rolland (3). S'il fallait absolument arborer un fanion, que l'on y imprime donc le onzième commandement de Till : « J'ai mis "vivre" sur mon drapeau. Vivre toujours à la lumière ».
Janos MOLNAR
(1) Jacques Bellefroid, Le voleur du temps, Editions de la Différence ; (2) Pierre Very, Les disparus de Saint-Agil, Editions du Rocher ; (3) Charles de Coster, Till Ulenspisgel, Editions Messidor
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